Solaire
Light Performer / Mai 2010
conception & chorégraphie : Fabrice Lambert
assistante à la chorégraphie : Hanna Hedman
conception lumières : Philippe Gladieux
interprétation lumières : Mehdi Toutain-Lopez
son : Frédéric Laügt avec la participation d’Alexandre Meyer
costumes : Alexandra Bertaut
avec : Madeleine Fournier, Clémence Galliard ou Hanna Hedman, Fabrice Lambert, Ivan Mathis, Stephen Thompson
vidéo : Josselin Carré
photos : © Alain JULIEN
Presse:
Elseneur, par Nicolas Villodre le
Les lumières, artificielles, cependant, contrôlées à distance ou en pilotage automatique, peu importe, s’imposent d’emblée et donnent la rythmique au spectacle au moyen, entre autres, de longs fondus au noir. Non pas que la danse n’ait pas la sienne, propre. Ou que la B.O. de rock seventies, à base de basse-batterie-guitare, n’ait pas son signifiant à dire. Simplement, musique et danse sont livrées par intermittence. En jets discontinus. En pointillés.
C’est d’ailleurs l’autonomie, pour ne pas dire l’importance, de l’éclairage par rapport au reste – aux effets visuels, ponctuels, en synchronie pour la plupart, parfois en léger décalage avec l’élément sonore signé Frédéric Laügt et Alexandre Meyer ; à la perception spectatorielle embuée, titillée, pour une fois un peu perturbée – qui est, pour nous (ne parlons pas à la place des autres !), en tout cas, le plus singulier dans cette œuvre.
Non pas que les costumes d’Alexandra Bertaut ne soient pas élégants dans leur sobriété anthracite. Que le rock mixé à des nappes éléctro-acoustiques ne provoque rien chez l’auditeur. Que la chorégraphie n’ait pas sa propre ligne de conduite. Que les interprètes (Madeleine Fournier, Hanna Hedman, Fabrice Lambert, Ivan Mathis et Stephen Thompson) laissent indifférents. Loin de là.
Mais la nouveauté est dans le rapport inédit, amorcé ou esquissé par William Forsythe, systématisé ici d’une manière audacieuse qui ne manquera pas de faire date en s’imprimant par la même occasion sur la mémoire collective du public captivé (peu de spectateurs, finalement, ont quitté la salle en cours de route, pas encore habitués à être sollicités de la sorte par une expérience relevant de la psycho-physiologie de la sensation). La lumière n’est pas chargée de traduire une atmosphère, d’illustrer une intention quelconque du chorégraphe ou d’éclairer tel ou tel détail ou moment-clé. Elle devient décor, pigment, « nouvelle scène », pour reprendre des concepts empruntés au Bauhaus, explorés en long, en large et en travers en particulier par László Moholy-Nagy.
A un moment donné, une nuée de spots lumineux semble vouloir localiser le corps du danseur jouant à cligne-musette sur tout l’espace du plateau – la notion de jeu, pas seulement le jeu d’orgue lumineux, étant prise au sérieux par Fabrice Lambert et son équipe : les gels du mouvement peuvent faire penser au « un deux trois soleil », les petits gestes comme celui qui consiste simplement à lever le bras, à « Jacques a dit », les courses soudaines au « chat et à la souris ».
La danse vient en sus. En prime. Par-dessus le marché. Comme un cadeau luxueux. Les interprètes ne se prennent pas pour des starlettes, rien de virtuose n’étant prévu au programme. Ils participent des micro-événements prémédités par l’auteur. Cela déambule, cela arpente les planches, cela s’exprime en solitaire, cela combine en pas de deux ou de plus (on peut compter jusqu’à cinq), cela marque (le coup ou le pas). Cela marche. Cela danse aussi (cf. le passage après le moment de tremblote de toute la compagnie, et la belle série d’enchaînements sur un tempo vif et des notes de guitare électriques suraiguës). Et pourquoi pas ?